LES FRANCONI, UNE
DYNASTIE D’ÉCUYERS
© Alain Fabre 2003-
dernière modification: 2/11/07
Antoine Franconi (1738-1836).
Né à Udine en 1738, Antonio (devenu Antoine)
Franconi est le premier écuyer de la dynastie. Arrivé en France vers 1760[1], il travaille dans un cirque à Lyon[2] (avec des fauves) mais un élève de Bourgelat[3] lui enseigne l’équitation et Antoine Franconi
devient un brillant écuyer. Sa femme, Elisabeth Massucati, est elle-même
écuyère-acrobate. En 1775, Antoine Franconi fonde à Rouen
son premier cirque rond qui sera plus tard (1824) repris par François
Baucher[4]. Le couple Franconi organise de nombreuses
tournées au cours desquelles naissent leurs deux fils (voir ci-après). En
novembre 1788 Antoine Franconi fonde à Paris le premier Cirque Olympique, rue
du Faubourg-du-Temple, dont l’emplacement actuel correspondrait aux numéros 16
et 18. Franconi reprit l’amphithéâtre anglais d’Astley, père (Philip Astley,
1742-1814) et fils (John Astley 1768-1821).[5] Ce cirque, établi en 1780 d’une manière
provisoire, sera inauguré sous son aspect ”définitif” en octobre 1783. Entre
cette date et 1788, il fermera ses porte et rouvrira un certain nombre de fois.
En 1788, Astley fils reprend le cirque en qualité de directeur (son père ne
reviendra à Paris qu’en 1802). Un an plus tard il s’associe avec Antoine
Franconi, lequel reprendra les rênes en 1791.
En 1800, le cirque Franconi est transféré dans le
jardin de l’ancien couvent des Capucines, d’où il sera exproprié lors de
l’ouverture de la rue de la Paix en 1806.[6]
Antoine Franconi et ses deux fils Laurent (1776-1849) et
Henri (1779-1849).
Antoine Franconi s’installe alors (1807) dans la
cour de l’église du couvent des Capucins, aux numéros 247-251 actuels de la rue
St.-Honoré, où fonctionnait, depuis 1801, un hippodrome. Les spectacles donnés
dans cette salle de 1200 places, consistaient surtout en pantomimes militaires
imaginés par Franconi et ses deux fils Laurent[7] et Henri, dit Minette, d’après les succès de la
Grande Armée. En 1809, Franconi père réintègre son ancien établissement de la
rue du Faubourg-du-Temple[8], qui sera détruit par un incendie en mars 1826 [9]. Marie Jeanne Lequien (1785-1832), épouse de
Laurent, et Marie Catherine Cousy (1784-1816), faisaient elles-aussi partie du
cirque en tant qu’écuyères-acrobates.
En mars 1827, Antoine Franconi fait une nouvelle
rentrée, cette fois boulevard du Temple[10] (sur les terrains des cafés Chinois et du
Périgord ainsi que du Théâtre des Troubadours, encore debout en 1860 sous le
nom de Théâtre impérial). L’emplacement correspond aux numéros pairs, où de
nombreuses salles de spectacle se succédèrent entre 1770 et 1862. Cette
nouvelle salle, située près du carrefour entre la place du Château-d’Eau
(aujourd’hui place de la République) et le boulevard du Temple[11], connut de nombreux directeurs successifs, dont
le compositeur Adolphe Adam[12] qui , en 1849, la convertit en troisième théâtre
lyrique, ce qui acheva de le ruiner.
Le Cirque Olympique par Jacques
Testard, 1837
Le Cirque Olympique boulevard du
Temple
vers 1847. Le nom de Franconi figure au fronton
(Bâtiment détruit en 1862)
Le ”boulevard du Crime”
(boulevard du Temple). On reconnaît, sur la gauche,
le Théâtre Impérial, alias Cirque
Olympique, peu avant sa destruction
En 1816, Laurent et Henri Franconi, les deux fils
d’Antoine, dirigent toujours la salle de la rue St.-Honoré, possédant une
seconde entrée rue du Mont-Thabor. Le fils d’Henri,
Adolphe, est également écuyer.
A partir de 1817, le marquis de Sourdis reprend la direction de cet
établissement qui prend le nom d’École royale d’équitation.
Durant une brève période, Laurent Franconi fut
instructeur d’équitation des Vélites de la garde consulaires, ayant parmi ses
élèves Eugène de Beauharnais. Durant la Restauration, il enseigna l’équitation
aux ducs de Chartres [13] (1810-1842), de Nemours (né en 1814) et de
Joinville (né en 1818), fils de Louis-Philippe. Il avait été également. Dans
ses Mémoires, Joinville nous parle en ces termes de Laurent Franconi [14]:
”Après les
leçons de gymnastique venaient les leçons d’équitation, pour lesquelles on nous
conduisait au Cirque Olympique, confiés toujours, mes deux frères aînés et moi,
à un seul précepteur. Seulement celui-ci, trouvant invariablement la salle trop
froide, allait s’enfermer dans le cabinet du directeur, nous laissant aux soins
de Laurent Franconi et des écuyers, c’est-à-dire à mous-mêmes. Ce glacial
théâtre, situé place du Château-d’Eau [15], se composait
d’une vaste salle ayant au lieu de parterre un cirque ou manège pour les
exercices équestres, cirque qu’on reliait à la scène par des plans inclinés
lors des batailles de pièces militaires. C’est dans ce manège que Laurent
Franconi nous faisait faire de la haute école et que les sous-écuyers Bassin et
Lagoutte nous initiaient à la science de la voltige et à tous les exercices
qu’elle comporte, à califourchon, assis, debout. De plus, à notre grand
amusement, nos leçons, ayant lieu le dimanche après-midi, coïncidaient
généralement avec les répétitions des pièces sur la scène, répétitions
auxquelles nous nous mêlions avec joie dans l’intervalle des reprises,
escaladant les praticables, ou prenant part avec les artistes à quelques
intermèdes qui n’étaient pas sur le programme” [16]
Vue intérieure du Cirque
Olympique boulevard du Temple
(Bibliothèque de l’Opéra de
Paris)
Laurent Franconi et son fils Victor (1811-1897)
En 1834, Laurent Franconi s’associe avec François
Baucher et Jules-Charles Pellier au manège du Pecq (Saint-Germain-en Laye). L’année
suivante, ils seront à Paris (manège Pellier-Baucher et chapiteau des
Champs-Elysées). Adolphe Franconi, fils d’Henri, s’associe quant à lui avec
Louis Dejean en 1835. Une liste du personnel du Cirque Olympique du boulevard
du Temple figure dans l’Almanach des
spectacles pour les années 1837-1838 :
« M. Dejean, directeur. Équitation : MM. Bassin père, Auriol, Lalanne
aîné, Volschlaiger, Chanslée, Auguste, Voisin, Emile Lalanne, Paul Lalanne, Désiré,
Gilet, Baptiste, la petite Francesca Auriol ; Monnet, Julie, élèves »
. Adolphe Franconi et Louis Dejean inaugurent également leur chapiteau sur les
Champs-Elysées, au Carré Marigny[17]. Laurent fait en 1843 un séjour à Saumur, au
cours duquel il rencontre le commandant Novital, favorable à la méthode
Baucher. L’épidémie de choléra de 1849 emportera tour à tour Laurent et Henri. Ce
sera désormais Victor Franconi, le jeune fils de Laurent, qui reprendra le
flambeau, bien que son cousin Adolphe, qui mourra en 1855, ait lui-aussi sa
place dans la dynastie d’écuyers des Franconi. Victor Franconi a donc eu
l’occasion, après avoir été mis à l’école rigoureuse de son père et de son
oncle, d’enrichir son savoir auprès de Pellier et de Baucher dès 1834.
En 1846, Victor Franconi s’installe définitivement
à Paris où il fonde la même année l’hippodrome de la barrière de l’Étoile,
situé à l’entrée de l’actuelle avenue Foch. Cet établissement brûla en 1848,
mais fut aussitôt reconstruit. Entre temps, le père de Victor et son oncle
Henri meurent tous deux du choléra en 1849. Victor vend l’hippodrome en 1851 à
Arnaud (Vaux 1888: 97). Cette même année, il obtient une concession au
Champ-de-Mars où il organise des courses et d’autres spectacles. C’est à cette
époque que Victor Franconi eut pour élève James Fillis, qui jusqu’ici
pratiquait une équitation empirique. A partir de 1855, Fillis perfectionnera
son éducation équestre auprès de François Caron, élève de Baucher depuis 1850 [18]. Sous le second empire, Victor Franconi s’occupa
également du dressage des chevaux à la maison de l’empereur.
En 1855 sort des presses Le Cavalier, premier ouvrage de Victor Franconi, qui traite de la
formation équestre élémentaire. Cinq ans après, celui-ci récidive avec un
important complément sur la haute école, intitulé L’Écuyer. Les deux livres seront réunis plus tard (1891) en un seul
volume.[19]
Après la Commune, Victor Franconi prit la
direction du Cirque d’Hiver et du Cirque d’Été et en 1873 il assiste aux
obsèques de François Baucher. En 1877, Franconi forme l’une de ses meilleures
élèves, Adelina Price, qui triomphera quelques années plus tard de 1880 à 1886.
En 1887, Victor Franconi forme encore une écuyère de grand talent, Mathilde
Vidal.
Victor Franconi s’éteint en 1897. Lui survit son fils Charles, lui aussi écuyer
et professeur.
La Place du Château d’Eau (Place
de la République) et le boulevard du Temple en 1860.
Derrière le boulevard du Temple
et les théâtres, on reconnaît la boucle que forme
la rue des Fossés-du-Temple
(aujourd’hui rue Amelot),
et en bas à droite le Cirque
Napoléon (Cirque d’Hiver)
[1] Antonio Franconi avait dû s’expatrier à la suite
d’un duel.
[2] Situé dans
le quartier des Brotteaux, le cirque de Franconi sera détruit sous la Terreur.
[3] Il s’agit, selon Monteilhet
(1979: 125), du
Piémontais Payr-Morello.
[4] Ce cirque était situé rue Dugay-Trouin. Baucher
le reprit pour une dizaine d’années vers 1820, simultanément avec son deuxième
manège du Havre.
[5] Philip Astley est, à juste titre, considéré comme
le fondateur du cirque équestre moderne. Il est l’auteur de deux oiuvrages, The Modern Riding Master (Londres, 1774) ainsi que System of Equestrian Education (Londres,
1800). C’est lui qui choisit dès 1769, pour présenter ces chevaux, une piste
ronde de 13 mètres de diamètre, format qui sera généralisé par Laurent et Henri
Franconi. Invité par Marie-Antoinette,
Astley quitta Londres pour s’installer à Paris vers 1772, où il restera jusqu’à
la Révolution. On doit à Astley la fondation d’au moins dix-neuf cirques.
[6] Monteilhet (1979: 126) se trompe en affirmant que l’Amphithéâtre anglais de la rue du
Faubourg-du-Temple aurait été détruit en 1806. Hillairet
(1963: 493) précise que
l’Amphithéâtre anglais ne fut détruit (par un incendie) qu’ en 1826, fait
corroboré par Bertier de Sauvigny (1977: 371).
[7] Les fils Franconi, en plus de pratiquer la haute
école, ne manquèrent pas de se distinguer également aux courses. Sous le
Directoire et postérieurement, Henri et Laurent s’étaient déjà distingués sur
ce plan (Blomac 1991: 118, 143).
[8] Selon
certaines sources, Antoine Franconi aurait cédé la direction du Cirque
Olympique à ses deux fils en 1808. Quoiqu’il en soit, il est certain qu’à cette
époque, le père restait l’autorité et le chef de famille jusqu’à sa mort. Tout
ce que l’on peut affirmer est que la totalité de la famille Franconi était
associée sous la houlette du père.
[9] Il avait imaginé une reconstitution de l’incendie de Salin, qui se termina
tragiquement.
[10] Anne Martin-Fugier (1992: 181) écrit que le directeur du nouveau cirque n’était plus Antoine, mais son
fils Laurent. La même année (1827), celui-ci aurait, d’après cette historienne,
cédé l’établissement à son neveu Adolphe, fils d’Henri Franconi.
[11] Donc presque à la hauteur de l’immeuble de la rue
Amelot où François Baucher devait décéder en 1873.
[12] Adam acheta l’immeuble en 1847 à Louis Dejean,
grand directeur de cirque à l’époque. Labédollière (1986 [1860]: 166) écrit à ce sujet: ” Après la Gaîté et l’Ambigu, le plus ancien des théâtres du boulevard
du Temple, dans l’ordre chronologique, est le Cirque-Olympique. Ce fut d’abord
un manége établi dans la rue du Faubourg du Temple, en 1780, par l’Anglais
Astley, auquel s’associa Franconi. D’habiles écuyers y faisaient la voltige sur
les chevaux qu’ils avaient dressés […] Resté seul propriétaire après Astley,
Franconi transporta son établissement boulevard des Capucines, et de là rue
Saint-Honoré, sur l’emplacement qu’occupe en 1860 le bal Valentino. De là, sous
le premier empire, Franconi jeune, deuxième de nom, ajouta des pantomimes aux
exercices du cerf Coco et de l’éléphant Baba. De retour au faubourg du Temple,
en 1817, il y eut quelques années de splendeur, brusquement interrompues par un
incendie, dans la nuit du 15 au 16 mars 1826. Ainsi les principales salles de
spectacle du boulevard du Temple ont brûlé toutes les trois. Le 31 mars 1827 s’ouvrait un nouveau Cirque.
Il renonça aux exercices d’équitation pour renouveler sur une échelle réduite
les grandes victoires de la république et de l’empire; mais les frais qu’il
avait à supporter étaient tellement écrasants, que les entrepreneurs se
ruinèrent. Adolphe Adam loua la salle pour exploiter le privilège d’un théâtre
lyrique, et fut bientôt dans la nécessité de battre en retraite. Les pièces
militaires reparurent accompagnées de fééries dont la plus recommandable
s’appelait les Pilules du Diable. A la fin de 1859, le Cirque, qui avait fait
des excursions dans les temps historiques antérieurs à 1789, revint à ses
premières amours. ”.
[13] A
l’avènement de son père, il héritera du titre de duc d’Orléans, sous lequel il
est plus connu.
[14] Bien que
Joinville ne donne pas de date exacte, on peut la situer entre 1820-1824 (?
pour les ducs de Chartres et de Nemours, un peu plus tard pour Joinville) et
les débuts du règne de Louis-Philippe.
[15] Aujourd’hui place de la République. Il s’agissait
de l’établissement du boulevard du Temple (le célèbre ”boulevard du crime”) qui resta debout
jusqu’à sa destruction en 1862, époque à laquelle il était connu sous le nom de
Cirque impérial.
[16] Vieux Souvenirs de
Mgr. le Prince de Joinville 1818-1848. Édition présentée et annotée par Daniel
Meyer, Mercure de France 1986, p. 27.
[17] Ce chapiteau sera suivi d’une construction en
bois, puis d’un bâtiment en dur construit par Hittorf, qui prendra le nom de Cirque d’été.
[18] François Caron deviendra écuyer en chef du tsar,
et ce fut précisément James Fillis qui, en 1889, reprendra à son tour cette
charge à l’école de cavalerie de Saint-Pétersbourg, où il restera jusqu’en
1910. François Caron avait été formé par son oncle Eugène Caron (1812-1887)
dans son manège de Douai.
[19] Ce double volume a été réédité en 1991 par
l’éditeur Jean-Michel Place.